A partir des années 20, par vagues successives tout au long du XXème et jusqu'en ce début de XXIème siècle, de nombreux architectes ont tenté de trouver des formules constructives et stylistiques adaptées au contexte du bâti local des vallées pyrénéennes et de leurs abords proches (collines et coteaux de piémont par exemple); les commanditaires ou maitres d'ouvrage sont nombreux et variés, tantôt administrations ou services publics, collectivités territoriales (principalement communes), diocèse pour la reconstruction d'églises, promoteurs immobiliers pour la construction de grands immeubles ou ensembles résidentiels de tourisme, enfin propriétaires individuels commanditaires de chalets et villas…

Les principaux « moments » que nous présentons ici sont :

  • L'Entre-Deux-Guerres où s'esquissent ponctuellement des expériences d'architectures inspirées par les traditions locales, puis, la charnière des années 40-50, à l'orée du grand mouvement moderne des 30 Glorieuses (voir le menu "Régionalisme Pyrénéen années 1920-1950").
  • Le grand boom des années 60-70 porté par le Plan Neige et l'essor des grandes stations de ski (voir le menu "Archictecture montagnarde moderne 1950-1970").
  • Enfin le réajustement récent, depuis les années 70-80, moment « postmoderne » de l'architecture de montagne, tandis que se poursuit, notamment dans l'habitat péri urbain le goût toujours renouvelé pour une architecture à caractère régionaliste inspirée par l'architecture rurale vernaculaire (voir le menu "Années 80 à nos jours").


LE REGIONALISME PYRENEEN DANS LES ANNEES 1920-30


Sans être aussi présent que le néo basque qui, on l'a vu, a fortement marqué le paysage urbain des années 30, on voit se manifester en parallèle des tentatives pour trouver des formes de bâti s'insérant dans le contexte architectural des vallées pyrénéennes en exploitant quelques traits caractéristiques de l'architecture traditionnelle ou vernaculaire.

LES EDIFICES PUBLICS :


Cet esprit se manifeste d'abord dans un certain nombre d'édifices publics tels que mairies, écoles, postes par exemple, qui sont rénovés ou reconstruits dans plusieurs localités :

  • la poste de Cadéac, détruite par un incendie en 1922 est reconstruite en 1924 selon les plans de Louis Mauny, architecte à Arreau ; tenant compte de l'environnement pittoresque qui entoure l'emplacement au cœur du village, l'architecte associe soubassement en matériaux locaux (moellons de schistes, granite, calcaire gréseux) un toit à forte pente couvert d'ardoise, un grand mur-pignon surmonté d'une cheminée en façade, autant de références à l'architecture des villages de la vallée d'Aure.


La mairie qui lui fait face, construite une trentaine d'années après (1954) s'inspire peu ou prou des mêmes principes, conférant à l'espace public ainsi créé avec l'église paroissiale sur un autre côté, un air d'authenticité rustique et montagnarde.


  • non loin de là, à Arreau, en 1929, les architectes Gely et Mauny sont chargés de remplacer l'ancienne mairie-halle en mauvais état ; le nouvel édifice, inauguré en décembre 1932, retrouve le gabarit et les volumes généraux de l'ancien, en utilisant toutefois des matériaux modernes (ossature de béton formant les piliers de la halle au rez-de-chaussée, faux pans de bois en ciment à l'étage).


  • quelques kilomètres plus bas, la commune de Sarrancolin édifie en 1934-35 un nouvel hôtel de ville/poste au cœur de son quartier ancien d'origine médiévale ; l'architecte Georges Ferrero livre un édifice qui s'inspire semble-t-il, assez librement des mairies-halles à deux étages assez fréquentes dans l'axe vallée d'Aure-Magnoac-Astarac telle que celle d'Arreau (vue ci-dessus) ou celle de Galan.


  • à Barèges, l'école construite en 1935 reproduit grosso-modo les principes constructifs vus à Cadéac (soubassement en appareil de pierre, étage enduit de ciment, toiture à forte pente adaptée au fort enneigement hivernal)


  • la nouvelle poste de Bagnères est édifiée sur les plans de l'architecte parisien Marcel Macary (1932) pour être inaugurée en Juin 36 . Le bâtiment présente une sorte de synthèse par juxtaposition du régionalisme bigourdan (ou campanois) et d'un modernisme teinté d'Art Déco : il s'ordonne en effet autour d'une semi-rotonde largement vitrée formant avant-corps et donnant accès à la salle des guichets. Son modernisme était également souligné par un élégant bandeau portant le lettrage en béton « poste, télégraphe, téléphone » affichant clairement la fonction de l'édifice ; hélas les aménagements ultérieurs ont fait disparaitre cette touche typique de l'Art Déco des années 30. Par contre, toute la partie supérieure de la façade est formée par un mur-fronton à redents évoquant de façon explicite les « penaous » des granges de la vallée de Campan, arborant en outre le blason de la ville en haut-relief peint (on remarquera que dans la première version des plans ce même pignon était couronné 'à la flamande » de redents arrondis qui ont disparu dans la version définitive).


L'ARCHITECTURE RELIGIEUSE


La période précédente (fin XIXème surtout) a été marquée par la reconstruction ou le remodelage de plusieurs dizaines d'églises paroissiales dans des styles et des dispositifs plus ou moins « standardisés » d'inspiration néo romane ou néo gothique comme partout ailleurs en France, sans grande originalité si ce n'est parfois l'emploi de matériaux locaux (pierre de Lourdes ou brique « toulousaine » par exemple).

Le rythme de construction se ralentit fortement après la guerre de 14 et seuls quelques édifices cultuels sont construits dans les années 20-30, mais on remarque pour certains d'entre eux un souci plus affirmé de les intégrer dans leur contexte local :
  • ainsi l'église de Ferrières reconstruite en 1931 (architecte Pignat) qui utilise abondamment le matériau constructif local, granite ,schiste, ardoise mis en évidence sur tous les côtés de l'édifice.


  • à Tarbes, l'installation du nouveau Grand Séminaire (construit par l'entreprise Gaches sur des plans de Jules Noutary en 1926-27) est l'occasion d'édifier une chapelle néo romane comme le montre bien son entrée surmontée d'un tympan sculpté et sa nef en berceau avec arcs doubleaux, mais qui extérieurement fait référence explicite à un des principaux monuments religieux de Bigorre, la Collégiale d'Ibos :
    emploi des galets roulés de la plaine de l'Adour comme matériau constructif
    contreforts latéraux très marqués sur toute la hauteur de l'édifice
    esquisse de mur-pignon à « penaous » à la jonction de la nef et de l'abside


LES CENTRALES HYDROELECTRIQUES


La Compagnie du Midi, dont nous avons décrit précédemment l'effort pour produire une architecture fonctionnelle à caractère régional, poursuit dans cette voie en équipant la haute vallée du Louron en 1929-32 :centrales hydro électriques de Pont de Prat et La Soula.


  • construite en 1939, celle d'Artigue en haute vallée de l'Adour, avec ses façades-pignons à redents affiche encore plus clairement sa manière régionaliste en s'inscrivant dans la tradition des fermes ou bergeries campanoises.


  • enfin, on ne peut oublier l'étonnante « centrale-forteresse » de Luz Saint Sauveur (1925-27) dont l'inspiration semble se rapprocher des constructions militaires de la vallée du Gave (châteaux-forts de Lourdes et Sainte Marie de Luz) mais aussi de l'église dite des Templiers à Luz à laquelle elle semble faire écho de l'autre côté de la vallée du Gave.


Mais on le voit, cette période de l'Entre-Deux-Guerres a connu une production « régionaliste » assez disparate dans laquelle il est difficile de lire une idée ou doctrine directrice ; par contre, les deux décennies qui suivent voient s'affirmer un courant plus net en faveur de ce que l'on peut appeler un « régionalisme moderne »

LE COMPROMIS ESTHETIQUE ET CONSTRUCTIF DES ANNEES 40-50


Nous avons vu dans le premier volet de notre étude (« une introduction à l'architecture moderne ») combien les années 50 à 70 ont connu un véritable raz-de-marée de l'architecture inspirée par le mouvement moderne, et ce dans tous les programmes de construction qui accompagnent le boom des 30 Glorieuses ; on note cependant que les années 50 restent parfois un peu timides devant cette évolution esthétique, cherchant à concilier l'esprit moderne avec le respect d'une certaine tradition du bâti local : ceci est particulièrement sensible dans les villes et villages des vallées pyrénéennes ou du piémont qui gardent souvent une certaine retenue dans l'affirmation des principes de l'esthétique moderne…

LE CAS DE LANNEMEZAN


dans cette ville où domine la figure de Noël Le Maresquier, 1er Grand Prix de Rome en 1930, plusieurs édifices témoignent de ce compromis :

  • tout d'abord rappelons l'édification aux portes de la ville, juste à la veille de la guerre (1936-38) de l'imposant ensemble de l'hôpital psychiatrique qui, bien que construit une dizaine d'années avant la période que nous étudions ici, en présente les caractéristiques que nous voulons souligner : au centre de la composition d'ensemble rigoureusement symétrique, le bâtiment administratif et directorial présente un avant-corps aux formes arrondies, de grandes baies à meneaux de béton, le tout couronné d'un toit d'ardoise de facture très traditionnelle, là où on attendrait peut-être des terrasses horizontales ; de même, les pavillons spécialisés (répartis de part et d'autre de l'axe central de symétrie) présentent des caractéristiques typiquement « modernes » (longues fenêtres horizontales en bandeaux, escaliers de béton en porte-à-faux jaillissant des façades comme des vigies de navire…) tout en conservant eux aussi une couverture d'ardoise qui alourdit quelque peu leur allure générale (à noter à la décharge des architectes-concepteurs qu'une version du projet à terrasses horizontales a été présentée au maître d'ouvrage, le Conseil Général -document consultable aux Archives Départementales de Tarbes- mais qu'elle a été rejetée après objection de la commission technique pour des raisons climatiques : enneigement et fortes pluies).


  • au centre-ville, la Halle aux volailles( édifiée en 1938-43, récemment modifiée) dont l'ossature est en béton armé, par sa forme générale et sa toiture à forte pente s'inscrit dans la tradition des petites halles couvertes des bourgades rurales de la région.


  • nous retrouvons des caractéristiques identiques dans le groupe scolaire Paul Baratgin édifié en 1950-52 par Noël Le Maresquier en association avec Paul Des Noyers.


  • enfin, la Halle aux légumes (architecte Paul De Noyers) bien que construite un peu plus tard (1960) arbore elle aussi une spectaculaire couvertures d'ardoise reposant sur une charpente métallique, le tout porté par des piliers recouverts d'un appareil de pierre pyrénéenne.


Cette même décennie des années 60 voit s'édifier dans le même esprit deux imposants immeubles abritant des services publics : la Poste (qui s'accompagne hélas de la démolition de la Halle aux Grains) et l'Hôtel des Impôts à la sortie nord de la ville.


LES EGLISES DE JEAN MARTIN


Jean Martin, architecte diocésain s'illustre dans la reconstruction et le remodelage de plusieurs églises en vallée d'Aure et Louron ; son travail témoigne d'une volonté de bien s'inscrire dans le contexte du bâti traditionnel de ces vallées pyrénéennes tout en utilisant les ressources des matériaux contemporains :

  • ainsi, en 1950-52, il remplace l'ancienne église paroissiale de Saint Lary par une nouvelle église rebaptisée St Bertrand de Comminges ; le gros-œuvre est en béton armé tandis que les toits à longs pans inclinés sont couverts d'ardoise. La façade arbore un spectaculaire mur-pignon auquel répond à l'arrière un chevet plat ; L'intérieur reprend le plan traditionnel d'une nef unique couverte d'une voûte en berceau brisé d'une belle élévation grâce à son ossature de béton laissée apparente ; la structure de béton autorise de larges ouvertures décorées de vitraux colorés laissant pénétrer la lumière à flot.


  • Cette combinaison du moderne et du traditionnel se retrouve à Avajan où, en 1960-62 l'église paroissiale St Blaise est aussi reconstruite ; le clocher de l'ancienne église, datant du XVIème siècle , a été conservé mais à l'extérieur du nouvel édifice pour lequel béton armé, schiste, calcaire, ardoise sont convoqués.


Nous retrouvons à la chapelle de St Pierre aux Lions d'Aragnouet/Fabian une nef unique avec en façade un haut mur-pignon flanqué d'un porche et un chevet plat à l'arrière.


BATIMENTS PUBLICS COMMUNAUX


Dans ces mêmes années, leur extension ou modernisation est également l'occasion de voir s'exprimer cet esprit régionaliste pyrénéen :

  • à Arrens, où Raoul Fourcaud que l'on a vu résolument « moderne » aux Archives Départementales de Tarbes ou au Centre Léo Lagrange de Séméac, s'inscrit dans le contexte du bâti du Val d'Azun pour la nouvelle mairie-poste (1954-55) ; dans la même commune, il est chargé d'édifier le nouveau groupe scolaire (ouvert en 1954) dans un style proche.



  • non loin de là, à Arras-en-Lavedan, Georges Scache élève lui aussi un nouvel édifice pour la mairie-poste (1956-58) qui présente la même allure que celui d'Arrens.


le même architecte est l'auteur de l'imposant Foyer Rural de Campan construit en 1954-55.


Comme à Lannemezan, on voit que le mouvement se poursuit jusqu'au début des années 60 : écoles d'Argelès-Gazost (Yves Cansot, architecte, 1963-64), et Salles-Argelès.


CENTRALES HYDRO ELECTRIQUES


Les centrales qu'EDF bâtit dans les années de l'immédiat après-guerre s'efforcent elles aussi de se fondre dans le paysage et le contexte architectural des vallées comme on peut le voir à Campan (1948), Nouaux en Val d'Azun (1949), Pont-La-Reine près de Luz ou encore Gèdre ; par contre, comme nous l'avons vu dans le premier volet de notre étude, la centrale de Pragnères, construite au début de la décennie suivante, constitue une rupture affirmée avec ce style régionaliste.


Photographies de Maurice MORGA
L'Architecture du XX siècle en Hautes-Pyrénées
VOLET N°2 : TRADITIONS ET MODERNITES
LES REGIONALISMES
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Travail de recherche
Maurice MORGA - Professeur retraité
Conception multimédia
Florent Lafabrie - CANOPE des Hautes-Pyrénées