AVANT-PROPOS


Dans le premier volet de notre étude (« Une introduction à l'architecture moderne »), nous avons présenté l'histoire de l'architecture de la fin du XIXème aux années 1970 dans notre département comme l'émergence (fin XIXème-début XXème) puis l'affirmation (Entre-deux-Guerres) et le triomphe (années 50 à 70) de l'idée de modernité en architecture ; modernité fondée en grande partie sur le succès de nouvelles techniques constructives telles que l'usage du fer et du béton engendrant à leur tour de nouvelles conceptions esthétiques comme celles prônées par le Mouvement Moderne. Or, si cette évolution est indéniable, une telle présentation occulte en grande partie un autre aspect de la production d'architecture qui, en quantité, représente au moins autant sinon plus que le courant « moderniste », c'est-à-dire :
  • en premier lieu, l'énorme production de ce que l'on peut appeler l'architecture banale du quotidien qui échappe à la maîtrise d'œuvre des architectes diplômés : innombrables pavillons de banlieues résidentielles, immeubles d'habitation ordinaires, hangars commerciaux ou industriels bâtis à la hâte…toute une architecture sans qualités architecturales particulières , souvent fruit du travail d'équipes de maîtres d'oeuvre intégrés aux entreprises de BTP ou des services techniques municipaux peu sensibles aux effets de mode qui agitent les écoles d'architecture, mais qui a lourdement et durablement marqué le paysage urbain du XXème siècle.

  • il y a aussi tout un pan de l'architecture, de plus grande qualité cette fois, qui échappe en partie à la logique de l'esprit moderne par sa volonté de rester fidèle à une certaine tradition enracinée dans les styles anciens ou régionaux, volonté menant parfois à une véritable réaction ou résistance au mouvement moderne considéré comme trop radical ou révolutionnaire (ce qui n'exclue pas, de la part de ces architectes, l'utilisation des matériaux de leur temps). C'est pourquoi nous avons intitulé ce deuxième volet « traditions et modernités » pour montrer comment en parallèle à l'émergence de la modernité, la tradition architecturale, qu'elle soit d'origine académique ou vernaculaire, se confronte à elle s'en écartant ou nouant avec elle des liens de réaction/attraction.

  • ainsi, dans un premier chapitre intitulé « historicisme, éclectisme, rationalisme » nous décrirons l'âge d'or du « style Beaux Arts » au tournant XIXème/XXème jusqu'à la guerre de 14, où l'on voit la tradition de l'éclectisme historiciste qui fait référence explicite aux grandes époques du passé (de l'Antiquité gréco romaine au rococo du XVIIIème) triompher dans l'architecture publique de la IIIème République (nouveaux Hôtels de villes) comme dans les somptueux édifices où se déroule la vie mondaine des classes aisées (casinos, grands hôtels des villes d'eaux par exemple) ; cependant, au même moment, émerge dans l'architecture industrielle ou commerciale (Compagnie des Chemins de fer du Midi, grands magasins) ou administrative (Poste) une école dite « rationaliste » dont la démarche ouvre la voie au « fonctionnalisme » des modernes des années 20-30.

  • dans un deuxième chapitre (« les régionalismes »), nous aborderons la question considérable de l'affirmation d'un puissant courant régionaliste qui, toujours dans l'entre-deux-guerres, veut s'enraciner dans la tradition d'une certaine architecture rurale vernaculaire : cela explique l'indéniable succès du néo basque des années 30 à 50 dans tous les quartiers résidentiels de nos villes et ce d'avantage qu'un « style néo bigourdan » ou « néo montagnard » qui tarde à s'affirmer (on le verra plutôt se développer dans les années 50-70 accompagnant l'essor des stations de ski) ; c'est précisément cet essor qui voit l'éclosion d'un style moderne montagnard né d'abord dans les Alpes de Savoie puis « exporté » en quelque sorte vers les Pyrénées. Toutefois, depuis un vingtaine d'années, et en réaction contre un développement assez anarchique et impersonnel, ces mêmes stations se tournent vers une architecture néo pyrénéenne mieux à même de répondre à la nouvelle économie touristique.

  • nous traiterons enfin (« marier l'ancien et le nouveau ») d'une question devenue essentielle dans le devenir des espaces urbains actuels, celle du sort fait aux multiples « friches urbaines » ou aux constructions délaissées par les mutations économiques et sociales très rapides et parfois brutales que notre société (et particulièrement notre département) a connues au cours des dernières décennies (des années 1970 à aujourd'hui) : c'est là aborder la problématique de la réhabilitation et de la reconversion des anciennes usines ou zones industrielles abandonnées, des emprises ferroviaires ou anciens entrepôts, de bâtiments ou équipements publics devenus obsolètes ou dépassés (par exemple les hôpitaux anciens), les casernes désaffectées…comment se joue à cette occasion la greffe de l'architecture contemporaine sur du bâti ancien…nous sommes là au cœur d'un des grands enjeux de la politique urbaine actuelle. Nous verrons à cette occasion éclore de nombreux lieux dédiés à la culture et aux loisirs, accompagnant le développement à la fois d'un nouveau genre de vie mais aussi de tout un secteur économique en mutation : l'exemple des nouveaux centre thermo-ludiques, extension des thermes traditionnels nous semble sur ce point particulièrement significatif. Ces opérations de remodelage du tissu urbain touchent aussi des communes rurales ou périurbaines soucieuses de redonner vie à leur centre parfois abandonné par certains services publics et souvent vidés de leurs commerces traditionnels par la montée en puissance de la grande distribution dans les périphéries urbaines et le long des grands axes routiers (nous verrons à ce sujet les exemples d'aménagement-en cours-de Barbazan-Debat et Andrest).
L'Architecture du XX siècle en Hautes-Pyrénées
VOLET N°2 : TRADITIONS ET MODERNITES
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Travail de recherche
Maurice MORGA - Professeur retraité
Conception multimédia
Florent Lafabrie - CANOPE des Hautes-Pyrénées