Les années 50/60 voient en effet la France connaître une large diffusion des canons de l'architecture moderne tels que définis deux décennies auparavant, dans les années 20/30 et l'immédiat avant-guerre.

De fait, l'expression « Style International » est née d'une exposition organisée en 1932 par le MOMA (Museum Of Modern Art) de New York, conçue par le critique Henry Russell Hitchcock et l'architecte Philip Johnson ; constatant une convergence de part et d'autre de l'Atlantique entre avant-gardes architecturales européenne et américaine, cette exposition ( et le catalogue qui l'accompagne) souligne en effet l'émergence et l'affirmation au plan international d'une nouvelle génération d'architectes dont la doctrine, les préoccupations et les choix esthétiques tendent à s'unifier (la Charte d'Athènes en est précisément la synthèse peu de temps après).

Une partie de cette avant-garde, après la fermeture du Bauhaus par les nazis en Allemagne, s'exilera aux Etats-Unis principalement où elle participera fortement à la redéfinition et à la diffusion de ce style international qui reviendra en force en Europe après les désastres de la 2ème Guerre Mondiale.

Quelques « édifices-manifestes », construits au cours des années 20 et aujourd'hui considérés comme des icônes du XXème siècle permettent de dégager plusieurs éléments fondamentaux des choix esthétiques de ces architectes :

  • Les bâtiments du Bauhaus construits par Walter Gropius à Dessau (1926)
  • La villa Schröder de Gerrit Rietveld à Utrecht (Pays-Bas)
  • Le pavillon allemand de l'exposition de Barcelone par Mies Van Der Rohe (1929)
  • La villa Savoye de Le Corbusier à Poissy (1928-31)

Cette dernière commande sera l'occasion pour Le Corbusier de définir justement « les cinq points d'une architecture nouvelle » (que l'on retrouvera après guerre appliqués à la Cité Radieuse de Marseille).

  • les pilotis

Des poteaux métalliques ou en béton armé décollent la masse de l'édifice du sol, qui devient alors disponible pour d'autres usages (circulation des piétons, garage à voitures, commerce…).

  • les terrasses ou toits-jardins

Le développement de la construction en béton armé rend possible la réalisation de toitures plates en remplacement des combles et charpentes traditionnels ; Ces terrasses se prêtent à des utilisations nouvelles comme l'aménagement de jardins ou d'aires de plein-air (solarium…).

  • le plan libre

Grâce à l'ossature de béton armé, la maison est libérée des murs porteurs et séparatifs. Les poteaux portent les planchers et l'agencement du plan intérieur est libre ; les cloisonnements, qui ne sont plus porteurs peuvent être différents d'un étage à l'autre.

  • la façade libre

Les façades, désormais indépendantes de la structure porteuse (les poteaux porteurs sont en retrait), se posent librement sur l'ossature et se transforment en une membrane légère de panneaux isolants ou d'ouvertures librement composées.

  • la fenêtre en longueur

Non porteuses, les façades peuvent être percées largement par de longues fenêtres qui apportent lumière et transparence, deux qualités chères au Mouvement Moderne.


ARCHITECTURE SCOLAIRE, SPORTIVE ET DE SANTE


C'est un des secteurs les plus actifs de la construction au cours de cette période.
  • à la fois pour des raisons démographiques (baby boom d'où un besoin accru en établissements scolaires)
  • sociologiques (« démocratisation » de l'enseignement secondaire, d'où de nombreux collèges et lycées)
  • mais aussi souci hygiéniste de santé publique qui se poursuit depuis l'entre-deux-guerres (d'où, préventoriums, sanatoriums, lycée climatique…)

Dans le même esprit, le sport et l'éducation physique sont à l'honneur, d'où équipement en stades, piscines, gymnases…

Parmi les nombreux exemples existant dans les Hautes Pyrénées, nous avons choisi de n'en retenir que quelques-uns, en rapport précis avec notre sujet, c'est-à-dire exprimant bien par leur esthétique « l'esprit moderne » qui anime le pays à cette époque.

SANATORIUM JEAN THEBAUD , ARRENS (1951-53)


A l'origine collège religieux (noviciat pour élèves se destinant à une carrière ecclésiastique avant leur entrée au Grand Séminaire de Tarbes), adossé à la chapelle de Pouey Laün au magnifique décor baroque, classée monument historique.
L'immeuble, acquis en 1920 par le Comité Départemental d'Hygiène, devait être transformé en préventorium (projet architecte S. Saubusse) mais il est finalement cédé à l'Association Générale des Mutilés de Guerre en 1926 et devient sanatorium sous le nom de Centre Jean Thébaud, inauguré en 1936, accueillant en priorité des malades anciens combattants ou leur famille ; le docteur Le Breton, nommé la même année, sera la cheville ouvrière de l'extension ultérieure, celle qui nous intéresse ici.

Aujourd'hui, le centre est devenu « Maison d'Accueil Spécialisée » Jean François Henri et appartient au département.

Cette extension, aménagée à partie de 1951, sur des plans de Paul HESS, est inaugurée en Mai 1953, quelques travaux se poursuivant jusqu'en 1955 ; elle est constituée de chambres pour malades et de galeries de cure exposées au Sud. L'étage supérieur spécialement réservé aux opérés est directement relié au bloc médical par un escalier à chaque extrémité ; les deux ailes du bâtiment s'articulent sur une rotonde centrale où se trouve la salle à manger. Cet édifice, avec ses longues galeries et rambardes filantes, sa rotonde « panoramique », ses angles vifs et ses couleurs claires, présente une architecture dynamique et ouverte sur le paysage , la lumière et le soleil ( ce qui est la fonction même de ces galeries de cure) tout à fait dans l'esprit moderne.


ECOLE MATERNELLE DE SEMEAC (1955-57)


Construite par le même architecte- Raoul Fourcaud – que le centre Léo Lagrange voisin, selon des plans dessinés en 1955, elle est ouverte à la rentrée des classes de 1957.

  • Son dispositif d'ensemble, un long corps de bâtiment abritant les salles de classe articulé sur un pavillon d'accueil d'aspect plus monumental, ne s'écarte guère du modèle standard préconisé par le ministère ; par contre, le choix des matériaux, opposant la pierre grise de parement pyrénéenne du bâtiment d'accueil aux enduits lisses et clairs et aux moulures de ciment de l'aile horizontale, lui donne un air résolument « fifties » qui sort de l'ordinaire.

  • Sur le plan fonctionnel, on observera l'opposition entre
    la façade Nord, seulement éclairée par les longs bandeaux horizontaux éclairant le couloir d'accès aux classes
    la façade Sud, largement ouverte à la lumière et au soleil
    un petit préau placé à l'articulation des deux bâtiments, protégé par une mince dalle en béton fuselée telle une aile d'oiseau, contribue aussi à donner à l'ensemble une allure dynamique et moderne.


PISCINES MUNICIPALES DE LOURDES (1950) ET SAINT LARY (1968)



  • Piscine/centre scolaire et sportif « la Coustète » (boulevard du Lapacca, Lourdes)

    Construction décidée en juin 1948, plans approuvés en octobre 1950 (architecte H. Arran)

La piscine en plein air en est l'élément le plus visible, mais comme l'indique l'intitulé officiel de cet équipement, il s'agit d'un complexe à vocation plus vaste ; en effet, outre les équipements nécessaires au bon fonctionnement de la piscine (vestiaires, douches) l'ensemble prévoit aussi, au 1er étage du bâtiment central, une salle de réunion avec bar, au 2ème des salles de clubs. Enfin un gymnase, dessiné par l'architecte municipal Lasserre, viendra s'ajouter en 1957-61.

On a là-aussi, comme à Séméac, un équipement communal à caractère multifonctionnel gravitant autour d'une activité sportive dominante. Les choix esthétiques modernistes se lisent principalement dans les grandes lignes horizontales qui rythment et organisent l'ensemble de l'édifice, modernité tempérée par une toiture à deux pans de caractère plus traditionnel.


  • Sur ce point, on pourra comparer avec la piscine municipale de Saint Lary, aménagée quelque 20 ans après (1968) et qui présente elle une esthétique plus hardie.
    A remarquer dans les deux cas le caractère très aérodynamique des plongeoirs en béton.


LYCEE CLIMATIQUE D'ARGELES-GAZOST (1955-60)


Historique :


Dès 1948 le conseil municipal propose la création d'un établissement secondaire et acquiert des terrains à cet effet ; appuyé par René Billères alors député et président de la commission parlementaire pour l'éducation, le projet est accepté en Mai 1949.
André Rémondet est alors désigné par la commission d'agrément et présente son avant-projet en Mai 1950 ; après cession des terrains de la ville à l'Etat (et doublement de la surface initialement prévue) le chantier ouvre en Mai 1952. L'ouverture de la 1ère tranche se fera à la rentrée d'Octobre 1955, la réalisation d'ensemble s'échelonnant jusqu'à 1960.
A l'occasion du 50ème anniversaire de son ouverture, le lycée a été rebaptisé « René Billères », du nom de son parrain.

L'architecture d'André Rémondet, une modernité assumée

a)- Le travail d'A. Rémondet à Argelès reflète assez bien la modernité « à la française » des années 50 qui tente d'opérer une synthèse entre la grande tradition de la composition architecturale « classique » et la modernité du « Style International » désormais assez largement acceptée dans la profession (on peut remarquer à ce sujet que ce projet a été jugé si représentatif de cette modernité que sa maquette a figuré dans le pavillon de la France à l'Exposition Internationale de Bruxelles en 1958) ;
En ce sens, on peut le rapprocher de l'œuvre contemporaine d'Auguste Perret avec qui il a d'ailleurs des liens personnels puisqu'il l'assiste depuis 1946 dans son enseignement à l'Ecole des Beaux Arts : c'est en effet dans ces années que s'applique le plan directeur de reconstruction de la ville du Havre ( ainsi qu'Amiens : reconstruction du quartier de la gare).

b)-Une architecture « ouverte »
La modernité se lit d'abord dans le plan général de cette « cité scolaire » largement ouverte sur le paysage et les montagnes environnantes ; la dispersion des bâtiments spécialisés par fonction (enseignement, administration, études, internat…etc) au sein d'un vaste parc aménagé en font une sorte de petit campus à l'américaine qui s'éloigne fortement du lycée clos et fermé sur lui-même hérité du XIXème siècle.


c)-Certains des préceptes chers aux architectes modernes en référence à la Charte d'Athènes et aux doctrines « fonctionnalistes » sont ici clairement exprimés :

  • « vérité constructive » affirmée par le choix d'une ossature béton laissée à l'état brut et faisant une claire distinction entre la structure porteuse et les éléments de clôture (utilisation généralisée de murs-rideaux en façade)
  • pas de toitures traditionnelles mais de grands toits-terrasses horizontaux
  • air, lumière et soleil pénètrent à flot par de larges ouvertures disposées en bandeaux horizontaux qui soulignent les lignes générales des édifices
  • notons enfin le souci de l'architecte d'unifier visuellement l'ensemble bâti, en adoptant une volumétrie et des gabarits homogènes (élévation quasi identique des bâtiments) ; ainsi,les bâtiments, constitués de « barres » de taille modeste, s'articulent entre eux comme un jeu de dominos.


Surtout, la trame horizontale et verticale de l'ossature de béton forme un maillage régulier que l'on retrouve d'un bâtiment à l'autre, leur donnant un « air de famille », tout en évitant la monotonie ; en effet, cette trame légèrement décollée des murs de quelques dizaines de centimètres, crée des effets ombres/lumière subtils et variés selon l'heure du jour et selon l'orientation propre à chaque édifice.


  • Utilisation de couleurs primaires pures soulignant aussi ossature et murs-rideaux, chaque bâtiment s'individualisant par une couleur dominante (bâtiments jaune, bleu, rouge..).

Cet aspect des conceptions d'André Rémondet avait été quelque peu oublié et altéré par les travaux ordinaires d'entretien intervenus par la suite ; depuis le classement partiel et l'inscription à l'inventaire des monuments historiques, une remise en couleurs conforme à l'esprit originel de l'édifice est menée par le cabinet d'architecture Larrondo-Lafforgue de Tarbes.


Les œuvres d'art

L'esprit moderne s'exprime aussi dans la volonté d'André Rémondet de réunir autour de lui une équipe d'artistes dans un esprit d'intégration des arts à l'architecture ; il regroupe des artistes de sa génération, celle qui a connu la guerre et l'Occupation, animés par un humanisme renouvelé et un certain optimisme esthétique propre à ces années de reconstruction et de modernisation du pays.

  • Il faut citer tout d'abord Charlotte Perriand, figure majeure du design qui conçoit une partie des meubles de rangement.


  • Alfred Manessier peint pour le foyer du « bâtiment bleu » une grande toile intitulée « jeux dans la neige ».


  • Denis Gélin sculpte « la Bachelière » placée dans le parc devant le « bâtiment rouge ».


  • Gustave Singier place sa grande composition de mosaïques « couchers de soleil » sous le préau de plein air face aux montagnes.


  • le sculpteur Etienne Hajdu laisse pour sa part de spectaculaires empreintes dans le béton des piliers extérieurs du gymnase.


  • citons encore Alma Slocombe (épouse Rémondet) qui réalise une composition abstraite de carreaux de céramique.


On le voit, l'ensemble de cette cité scolaire constitue un des éléments les plus remarquables du patrimoine du XXème siècle dans notre département.

SERVICES PUBLICS, ADMINISTRATIONS, ENTREPRISES


Dans ce secteur aussi souffle le vent de la modernisation qui accompagne le développement de nouveaux services publics (par ex les assurances sociales : Sécurité Sociale, Allocations familiales…) ou le redéploiement de services plus anciens faisant face à des besoins grandissants (ex : multiplication des bureaux de Poste, créations de bibliothèques publiques ou médiathèques…).
De même, les sièges d'importantes administrations ou d'entreprises privées (sièges qui sont avant tout des immeubles de bureaux) voient aussi s'appliquer les solutions constructives proposées dans les années 30 par les architectes modernes ; on trouvera donc là le répertoire de l'architecture fonctionnelle déjà présenté plus haut (ossature acier/béton, mur-rideaux, plan libre permettant d'adapter les espaces intérieurs à des fonctions différenciées…).

BUREAUX CERAVER, BAZET (1965-68)


Historique et contexte :

La construction de ces nouveaux bureaux administratifs et commerciaux correspond à ce qui semble être l'apogée de l'entreprise appelée à l'époque CGEC (Compagnie Générale d'Electro Céramique) filiale de la puissante CGE, poids lourd de l'industrie électro technique française.
Les effectifs du site dépassent le chiffre de 1200 employés et l'on va construire d'ailleurs de nouveaux ateliers au cours de ces années 60 et jusqu'au début des années 70.
Plans établis en 1965 par les architectes parisiens Marcel Taverney et J. Barry Delongchamp qui ont travaillé aussi à la conception de ces nouveaux ateliers.

Caractéristiques générales :

Dimensions maxi : 37mx17m.
Surface planchers : 1278m2.
Ossature béton armé.
Couverture de type Acieroïd, sur charpente métallique.
Planchers de nervures de béton armé, hourdés en terre cuite.

Un édifice typique de la modernité des années 60 :

Le corps du bâtiment forme un parallélépipède posé sur des pilotis de 3,60m de haut ; il est fermé par des murs-rideaux en grande partie constitués de menuiseries métalliques complétées par des bardages d'aluminium.
Les pare-soleils de façade Sud, constitués de consoles et de petites dalles en béton achèvent de lui donner une allure conforme aux canons de l'architecture moderne.
Ajoutons-y la demie rotonde qui s'avance au Sud et contient l'escalier d'accès aux étages, donnant à l'ensemble un fort dynamisme et une certaine monumentalité (outre les bureaux administratifs, le bâtiment assure la réception de la clientèle).


SIEGES SECURITE SOCIALE, DIRECTION DE LA SANTE,

CHAMBRE D'AGRICULTURE


Nous sommes là en présence du type d'immeuble de bureaux dans sa version la plus fonctionnelle telle qu'elle s'est répandue dans l'ensemble des villes occidentales au cours des années 60/70 (ce moment peut d'ailleurs être considéré comme l'apogée de ce fameux « Style International » défini un quart de siècle auparavant).
En fait, ce modèle, déjà expérimenté dans les années 30 , s'est surtout formalisé dans les C.B.D (« Central Business District ») des grandes métropoles américaines, notamment Chicago et New York, pour se diffuser ensuite dans tous les quartiers d'affaires et administratifs du monde ; le grand architecte allemand Mies Van Der Rohe, quittant son pays au lendemain de la dissolution du Bauhaus par l'Etat nazi, émigre aux Etats Unis où il trouvera une terre d'élection pour les projets qu'il avait imaginé d'abord en Europe ; inventeur de la célèbre formule « less is more », il est un des premiers à créer les gratte-ciels de verre et d'acier qui caractérisent le paysage urbain des villes du Nouveau Monde (voir par ex le Seagram Building à New York, 1954). Ce modèle est fondé sur une ossature de béton ou acier et, aspect le plus caractéristique, la quasi intégralité des façades est traitée en murs-rideaux , souvent constitués de panneaux préfabriqués métal/verre; chaque étage, libéré des murs porteurs, forme un véritable plateau de travail qui peut être cloisonné et modulé selon les besoins variables du service.
La brièveté des chantiers grâce à la standardisation des éléments d'ossature et de clôture (les façades) a conduit de nombreux maîtres d'ouvrage à multiplier les commandes de ce type d'immeubles pour faire face à la forte demande d'espaces de bureaux de toutes sortes au cours de cette période d'expansion économique et de développement de nouveaux services.

Ces choix constructifs ont donné naissance, dans leur version bon marché, à des immeubles standardisés, assez anonymes, en forme de parallélépipède rectangle, formant une « boîte » plus ou moins hermétique, demandant un système d'air conditionné ou de chauffage, véritable gouffre énergétique aujourd'hui (avant que l'on imagine les nouveaux immeubles à basse consommation des années 2000).
A Tarbes, chef-lieu du département, c'est autour de la Place au bois et du Foirail que se sont installées les principales réalisations.


SIEGE OBSERVATOIRE DU PIC DU MIDI, BAGNERES (1957-61)


ou « Le Corbusier aux Pyrénées »…
Œuvre de Pierre Debeaux (1925-2001), cet immeuble, destiné à recevoir les bureaux administratifs de l'observatoire astronomique, a été construit au même moment que l'extension des bâtiments de l'observatoire ainsi que le bâtiment interministériel au sommet du Pic (émetteur RTF, Météorologie Nationale, Navigation Aérienne).
Architecte établi à Toulouse et sans doute un des plus inventifs de sa génération, il met en œuvre ici la technique du béton brut de décoffrage, utilisant à la manière de Le Corbusier à la même époque (Chandigarh, chapelle de Ronchamp, couvent de La Tourette) les vertus plastiques de ce matériau ; ici on peut remarquer en particulier comment dans un contexte assez contraint (espace étroit, déclivité du terrain) il joue des formes appliquées au matériau pour une « accroche » originale de la lumière.


POSTE DE CAPVERN


Un bel exemple de l'effort accompli par un service public pour se mettre au goût du jour en adoptant une architecture résolument moderne ; adossé à la nouvelle église, elle-même construite sur une spectaculaire structure en béton armé, l'édifice présente sur les deux façades ouvertes sur l'espace public, un véritable claustra de béton décollé par rapport aux grandes baies vitrées qui clôturent l'espace intérieur du bureau de poste, jouant ainsi un rôle de pare-soleil et présentant des effets ombre/lumière variables selon l'heure et la saison( ces formes très « sixties » peuvent être rapprochées de l'OP Art très en vogue dans les années 60 cf Vasarély).


FOYER COMMUNAL, ARRENS (1962-63)


Là-aussi, nous mesurons, dans le cadre d'une modeste commune de montagne, l'effort d'équipement accompli avec ce foyer/cinéma aux lignes résolument contemporaines alors que le contexte du bâti villageois reste plutôt traditionnel (à comparer avec le groupe scolaire voisin et le centre communal/mairie construit lui en 1954-55 par Raoul Fourcaud).


BIBLIOTHEQUE MUNICIPALE LOUIS ARAGON (1968-72)


angle rue André Fourcade/rue Jean Larcher, Tarbes.

Historique :
L'avant projet de l'architecte toulousain Jean Montiel est adopté le 5 juillet 1968, le projet définitif le 21 mars 1969, l'ouverture au public en janvier 1972
Maîtrise d'ouvrage : ville de Tarbes
Financement à 50% par l'Etat, le ministère de l'Education Nationale définissant le programme de construction

Un bâtiment fonctionnel :

Les volumes bâtis recoupent les diverses fonctions de la bibliothèque (devenue « médiathèque » quelques années après) :
  • une construction basse à deux niveaux (hauteur 9.20m) contenant 4 grandes salles rectangulaires (bibliothèque de prêt et pour enfants au rez-de-chaussée, bibliothèque de consultation et salle d'exposition + discothèque au 1er)
  • une petite rotonde d'environ 6m de diamètre en façade nord, communiquant avec la bibliothèque pour enfants, contient « l'heure du conte ».
  • ce bâtiment est jouxté par une tour-silo de magasins à livres sur 5 niveaux (avec possibilité d'extension ultérieure) pourvu en extérieur d'un escalier métallique de secours.
Le tout construit sur une structure à ossature de béton.

Aspects esthétiques :

  • façades traitées en béton brut de décoffrage, alternant avec des panneaux en béton blanc, lisse, rugueux ou bouchardé.
  • l'élément fonctionnel/esthétique le plus remarquable est sans doute constitué par les pare-soleil verticaux de grande taille qui rythment une partie des façades Est et Ouest :ils sont formés de lames de béton disposées en oblique par rapport au plan de la façade (7m de haut, 0.70 de large, 0.10 d'épaisseur)
  • enfin, remarquons une mise en couleurs récente, lors de travaux d'entretien et rénovation qui a bien mis en évidence les différentes parties et fonctions de l'édifice.


MEDIATHEQUE/POSTE/ANNEXE MAIRIE,

TARBES LAUBADERE (avenue St Exupéry)



Architecte : Edmond Lay
Plans 1985, ouverture 1987-89

  • le centre administratif et socio culturel d'un nouveau quartier

Bien que construit vers la fin des années 80, nous avons inclus cet exemple dans notre chapitre consacré aux années 50-70 car il s'inscrit dans l'esprit qui animait cette période-là ; en effet, ce projet prolonge et complète l'effort mené par la ville de Tarbes (municipalité Erraçaret) pour développer la lecture publique et l'accès à la culture (cf création de la Bibliothèque centrale de prêt en 72 et bibliobus en 79). Le quartier de Laubadère a été choisi à la fois comme le plus populaire et le plus isolé du centre-ville.
D'où aussi le choix d'implantation au coeur du quartier, près de l'école maternelle, du centre social (crèche) et des commerces existants à l'époque.
Le projet comprend non seulement une bibliothèque/ludothèque mais aussi une antenne locale de la mairie et un bureau de poste, le tout constituant un petit complexe multifonctionnel venant étoffer l'équipement en services publics du quartier qui n'était au départ qu'une cité-dortoir dont les débuts remontent à la fin des années 50.
Une enquête préalable à la construction a été menée dont les résultats ont permis à l'architecte d'affiner son projet et de l'adapter au plus près des besoins exprimés.

  • L'influence de Frank Lloyd Wright

Nous savons qu'Edmond Lay a été fortement influencé par les idées et la pratique de l'illustre architecte américain qu'il a rencontré peu avant sa mort au cours de son séjour d'étude aux Etats-Unis.
Cela se sent d'abord par l'assise même du bâtiment, une partie étant à demi enterrée (la ludothèque) comme pour mieux l'ancrer sur son terrain; les larges débords de toit, formant des sortes d'auvents sur les quatre côtés, soulignent les longues lignes horizontales qui unifient l'ensemble des parties formant l'édifice (poste, annexe mairie, médiathèque). Le traitement décoratif du béton de parement, strié de longues moulures horizontales, contribue également à l'unité visuelle de l'ensemble. Ajoutons le jeu de contraste entre formes courbes (notament le cône tronqué qui abrite la médiathèque) et formes planes, entre matériaux naturels ou traditionnels (bois, gallets, tuiles plates) et béton... autant de références aux fameuses "prairies houses" ou "maisons usoniennes" conçues par le grand mâitre américain au début du 20ème à Chicago et dans le Wisconsin (voir par exemple la "Robbie house").
Cela se sent aussi dans l'organisation intérieure de la médiathèque : nous y retrouvons le goût d'E. Lay pour les espaces ouverts, dont les différentes parties, certes délimitées par des éléments de séparation(banquettes, murets, végétation) et matérialisés aussi par des différences de niveaux, communiquent naturellement entre elles sans aucune cloison opaque.
Bien que nous soyons au cœur d'une cité HLM sans grâce E Lay, ici comme dans beaucoup de ses réalisations, prête une grande attention aux relations intérieur/extérieur, à la fluidité et la variété des circulations possibles entre les deux : par exemple ,la bibliothèque se prolonge à l'extérieur par une petite terrasse à ciel ouvert mettant le lecteur directement au contact de l'environnement immédiat de l'édifice.
Les lignes générales qui elles aussi renvoient à Wright, sont dominées par les grandes horizontales de l'auvent/couverture qui unifie les trois parties/fonctions (médiathèque, poste, mairie), l'ancrage au sol étant souligné par de puissantes colonnes constituées de cônes emboités formant un « péristyle » partiel sur la façade principale au Nord ; le jeu de ces lignes, des courbes des murs de clôture, des cônes des colonnes, multiplie les combinaisons de formes et d'éclairages, assurant à l'édifice une grande variété d'aspects selon le point d'observation, selon la saison et l'heure du jour.
Le choix des matériaux, enfin, crépis ocre clair, tuile rouge, bois d'oeuvre , apporte une heureuse touche colorée au cœur de la cité.
Autant d'éléments qui confèrent à cette réalisation une présence et une originalité bien utile dans un environnement plutôt ingrat au moment de sa construction.


IMMEUBLES RESIDENTIELS


Un grand nombre des immeubles construits au cours des années 50/60 sont d'une affligeante banalité, la pression de la demande en logements conjuguée à l'avidité des promoteurs expliquant en partie le caractère expéditif et répétitif des modèles adoptés.



LES NOUVEAUX « IMMEUBLES DE RAPPORT »


Cependant, une certaine qualité architecturale se fait jour dans un certain nombre d'immeubles dits « de standing », édifiés en général au centre-ville, le long des artères considérées comme les plus en vue (comme le Cours Gambetta et la Place de Verdun à Tarbes) ; ce sont les nouveaux immeubles de rapport, héritiers des immeubles de type haussmannien du XIXème siècle : le rez-de-chaussée accueille en général des commerces tandis que les premiers étages sont souvent occupés par des professions libérales (cabinets médicaux particulièrement), les étages du haut, jouissant des meilleures vues, étant dévolus à la résidence.
Parmi eux, on peut distinguer quelques « types » ou caractéristiques qui semblent avoir eu la faveur des commanditaires (promoteurs immobiliers en général) :
  • l'immeuble situé en coin de rue, arborant donc deux façades et un bel arrondi à l'angle, presque en forme de proue, privilégiant les lignes horizontales soulignées par de grands balcons filants.


  • de manière générale, les larges balcons et la place généreusement accordée aux ouvertures laissant pénétrer la lumière (souvent de grands panneaux métal/verre coulissants) constituent un signe extérieur de standing.


  • à la charnière des années 60/70, on observe un effort pour rompre avec la relative uniformité des solutions précédentes par l'introduction d'une plus grande variété dans les plans et les façades : usage de décrochements en façade ménageant des espaces plus privatifs, choix de matériaux d'aspect et de couleurs plus variés…


  • on trouve aussi quelques résidences destinées à une population plus modeste qui font preuve d'un certaine ambition architecturale ; faute de pouvoir jouer sur la qualité des espaces intérieurs souvent contraints par des enveloppes budgétaires limitées, les architectes essaient de ménager des effets de matériaux et ossature en façade :


RESIDENCE « LE NAVARRE » (1963-69)



Localisation : Bd Henri IV / rue Firmin Palay, Tarbes
Architecte : Edmond Lay
Maîtrise d'ouvrage : société HLM « Le Nid Bigourdan »

  • historique :
    Dès son retour des Etats-Unis en 1962, E. Lay, qui commence alors sa carrière professionnelle, prend contact avec André Guerlin, président de la société HLM « Le Nid Bigourdan » qui a démarré depuis 1953 un programme de construction de pavillons en accession à la propriété dans le quartier de La Gespe.
    Sur un terrain récemment acquis face au cimetière de La Sède, le Nid Bigourdan se propose d'édifier un ensemble de logements collectifs, là aussi en accession à la propriété.
    Le programme mis au point par André Guerlin et E. Lay aboutit à un ensemble d'immeubles comprenant 119 logements avec une contrainte majeure : ne pas dépasser le prix-plafond du m2 HLM fixé à 680F/m2 valeur 1964.

  • un programme et une réalisation d'une grande exigence :

    Dans le cadre de l'enveloppe financière imposée, l'architecte tient le pari d'offrir un confort et une fonctionnalité peu communs pour une résidence type HLM.
    Un des aspects les plus notables est le choix offert d'appartements de plain-pied mais aussi un grand nombre de F4 et F5 (de 85 à 111m2) en duplex et traversants (c'est-à-dire ayant deux façades est/ouest ou Nord/Sud) avec de grandes terrasses ou balcons au Sud .
    Recherche d'une grande fluidité pour les circulations et de la variété dans l'organisation des espaces intérieurs (par ex, des hauteurs de plafond différentes selon l'affectation de l'espace : pièces où l'on se tient debout, pièces où l'on se tient assis…).
    Soucis de rompre avec les appartements « boîtes à chaussures » empilés et tous semblables en usage habituellement dans l'habitat collectif : en ménageant des échappées visuelles diversifiées sur le ciel ou le paysage pyrénéen, en préservant l'intimité des balcons et terrasses par des décrochements entre immeubles voisins…
    Cette exigence se lit aussi dans la réflexion sur la circulation et les relations intérieur/extérieur :
    Le schéma de circulation s'articule sur des axes verticaux contenant escaliers et ascenseurs des tours et des axes horizontaux constitués par des coursives qui permettent d'atteindre chaque logement par des cheminements non rectilignes et donc discrets ; ces mêmes coursives, en façades Nord, tout en offrant des échappées lumineuses sur le ciel, sont étudiées de façon à occulter à la vue le cimetière qui jouxte l'ensemble résidentiel. Sur cette même façade, les entrées sont comme protégées par des bastions de galets qui ménagent un accès latéral.

  • l'esthétique générale de la résidence :
    Elle combine un certain « brutalisme » en vogue dans ces années 60 (emploi de matériaux tels que le béton laissé « brut de décoffrage ») avec un emprunt aux matériaux vernaculaires en usage localement (galets des gaves disposés en strates horizontales, bois des forêts de montagne des menuiseries intérieures et extérieures).
    Ce parti pris esthétique (voire plasticien) lui confère indéniablement une allure non conventionnelle dans le paysage urbain banal qui l'entoure, et sa masse monumentale a, avouons-le, suscité quelque étonnement ou réserve dans la population locale ; mais nous avons là une des meilleures réalisations d'un architecte dont la notoriété s'est considérablement élargie par la suite, et une des expériences les plus significatives de logement collectif dans notre département. On peut dire sans exagération que ce modèle enrichit et complexifie les « unités d'habitation conformes » de Le Corbusier ( Marseille, Firminy, Nantes/Rezé…) édifiées quelques années auparavant.


L'Architecture du XX siècle en Hautes-Pyrénées
VOLET N°1 : UNE INTRODUCTION A L'ARCHITECTURE MODERNE
LES ANNEES 50-70 DANS LE SILLAGE DES MODERNES
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Travail de recherche
Maurice MORGA - Professeur retraité
Conception multimédia
Florent Lafabrie - CANOPE des Hautes-Pyrénées